Essai #17 : le sexe #2 / les autres #3

Publié le par claude pérès

  Il en a envie. Il s’est fait prendre une ou deux fois dans sa vie, c’est tout. On n’est pas obligé, évidemment, on n’est pas obligé, mais non, il veut. Il me dit que je dois savoir pourquoi. Je dis non ou je fais signe que non de la tête, je ne sais plus. Il me dit que c’est une question de confiance, il me le dit comme si c’était évident qu’il n’a jamais confiance, mais que là, oui, il a confiance, il a plus confiance que jamais. Je ne comprends pas pourquoi, je ne peux pas comprendre de toutes façons, je souris. On fait l’amour. On sait tous les deux qu’on arrivera à ça, ma queue en lui, le reste finalement, à ce moment-là, on n’y accorde plus aucune importance. On sait à quel point c’est énorme que je le prenne, tout ce que ça implique, le péril que ça peut être. Mais on le fait quand même, le reste, je veux dire, je ne me précipite pas sur son cul. Je découvre son corps, j’en prends possession, surtout, je le rassure, je le détends, j’essaie de mériter la confiance qu’il dit avoir pour moi. Et puis aussi, je joue à retarder le moment où je serai en lui. Ce que l’on fait avant que je le prenne, je crois pouvoir dire que c’est balbutiant. Comme si on avait des aperçus de tout ce que notre sexualité pourrait être, si on faisait quelque chose tous les deux et si on avait le temps devant nous, par exemple nos vies entières, et ça a l’air incroyablement vaste. Ça donne envie en tout cas. C’est bon, mais pas autant que ça pourrait l’être dans nos vies entières, quand chaque geste voudrait dire quelque chose d’immense. Je le recroqueville contre moi, je pose mon corps entier sur lui, je l’embrasse, je caresse ses fesses avec ma queue. Je ne sais toujours pas pourquoi il fait ça, d’où lui vient cette confiance pour moi, ce qu’il s’imagine, ce qu’il ressent, ce qu’il croit, je ne le saurai jamais. Je ne sais même pas si j’ai envie de le savoir. Pourquoi là tout à coup, il sort de la solitude de son corps, pourquoi il se laisse envahir comme ça, pourquoi il le désire tant, sans doute précisément pour y échapper à cette solitude, pour une fois dans sa vie sentir qu’il y a quelqu’un d’autre, que c’est encore possible, qu’il n’est pas encore tout à fait fou de sa solitude, mais je ne sais même pas s’il le sait, de toutes façons. Et j’y rentre dans cette solitude, ou plutôt il me laisse rentrer. Je suis en lui. Je le vois concentré sur cette invasion, la découvrir, l’ausculter, ne pas savoir quoi en faire. Je lui dis de se détendre. Je lui dis de se donner à moi, de ne pas rester sur cette impression que là, exceptionnellement, il n’est plus seul, parce que ça, pour les autres, ce n’est rien, même si c’est énorme pour lui, mais de faire plus que ça, non seulement de tenir compte de l’autre, mais de se donner à lui, à moi. Il accepte, je ne sais pas si c’est parce qu’il comprend ou parce qu’il se soumet. J’ondule mon bassin pour dilater son cul avec ma queue. Je lui fais sentir ma présence en lui, dans sa solitude. Je sens que ça l’excite, qu’il ne sait pas pourquoi, mais qu’il aime ça. À ce moment-là, je n’ai aucune sensation physique, je ne ressens aucun plaisir, rien que celui immense, bouleversant, plus fort que tout, de le faire échapper à lui-même, de l’accueillir chez moi. Et puis, il craque. Il s’effondre sur moi. Il garde ma queue en lui, mais il ne peut plus. Il me dit qu’il est nerveux, il me dit : « fais quelque chose ». Je lui parle. Je lui dis que la sensation doit être tellement forte que c’est à lui de décider si c’est agréable ou désagréable. Il fait signe que oui de la tête. Encore une fois, je ne sais pas s’il comprend ou non. Et puis, je lui dis que ce qu’il me donne là, ce n’est pas anodin, c’est incroyablement beau, et j’ai les larmes aux yeux. Il ne comprend pas, là vraiment je suis sûr qu’il ne comprend pas, qu’il ne sait pas qu’il n’en peut plus de sa solitude, que c’est devenu une maladie tellement elle l’occupe, tellement il n’est occupé que par ça et tellement il a besoin que quelqu’un l’occupe cette solitude, non je suis sûr que là, il croit ne faire que se soumettre. J’attends encore un peu en lui qu’il se donne à nouveau et puis je le baise, cette fois vraiment, qu’il ressente ce que c’est de se faire baiser, que la présence de l’autre en lui soit ingérable, comme ça doit l’être. Et puis je lui dis de jouir et au moment où il jouit, je lui dis qu’il est beau et il répond : « merci », là vraiment, je sais qu’il n’a pas compris. Ça me fait sourire tellement c’est touchant. Il jouit. Il est à nouveau seul dans sa jouissance. Je me retire de lui, je ne jouis pas, il ne comprend pas que je ne veuille pas jouir. Et il se met à parler d’autre chose, il reprend son chemin, comme si de rien était, comme s’il était toujours resté seul. Je le regarde, je dis quelque chose, je manifeste une dernière fois ma présence, et puis je le laisse seul finalement.

Publié dans moods

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E
Je comprends. Putain ce que je comprends ce type !
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M
en vérité, on est tous seuls. S-E-U-L-S-
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M
on est tous seul.
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M
j'en ai des frissons....;-)
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C
un être seul comme ça... être celui qu'il attend peut-être, être attendu, ce rendre compte sans doute qu'on attend aussi depuis longtemps... et puis réaliser qu'il ne sait même plus ce qu'il attend à force d'attendre. Peut-être qu'il n'attend que lui, il ère, se tourne autour. Sa peur est si aveuglante qu'il ne peut pas te voir.<br /> Mais toi tu vois encore.
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