Essai #22 : les autres #4

Publié le par claude pérès

  Je voudrais parler de la solitude. Je voudrais parler de la solitude parce que, quand même, un blog, c’est un truc dans lequel la solitude pue tellement elle est partout. Un blog, c’est un truc de mec qui, quand même, parle tout seul, et donc, forcément, désolé, s’écoute et délire. C’est un truc de mec qui prend la parole, qui s’acharne à prendre la parole, mais qui n’en fait rien de cette parole, qui la fait tourner à vide dans sa solitude. C’est un truc de mec qui fait tout pour lutter contre la solitude et dont cette lutte précisément le rend encore plus seul.
  Je ne sais pas pourquoi, cette solitude, elle est à perte dans un blog. Sans doute parce qu’un blog, ce n’est jamais que de la parole, et les gens, de cette parole, ils en font comme ils font toujours, ils n’écoutent pas ou, plutôt, ils écoutent assez pour que ça les fasse penser à autre chose, à leur propre parole.
  Maintenant, qu’est-ce que c’est la solitude (ça y est, je me remets à penser, c’est-à-dire à être chiant, ça ne m’étonne pas, je sentais que les rouages de mes neurones se mettaient en branle ces derniers temps) ? D’abord, la solitude, c’est cette asphyxie dans sa propre parole, qui ne tolère pas celle de l’autre, qui y est hermétique et réfractaire. Si un mec dans un blog est désespérément seul, c’est parce que ce qu’on entend dans la parole de l’autre, c’est sa propre parole. Ensuite, et surtout, ce qu’on appelle la solitude, c’est la douleur de vivre. Tout ce que les gens font pour ne pas être seuls, par exemple parler, alors qu’ils le sont, seuls, que la question ne se pose même pas, à moins d’être siamois, mais les siamois, on les tue maintenant, il me semble, ce n’est pas pour fuir la solitude, c’est pour fuir la douleur de vivre qu’ils portent en eux et que la solitude révèle. Quand on est seul, on ne peut pas ne pas voir, ne pas ressentir la douleur qu’on porte en nous, qui est si lourde et encombrante qu’elle paraît invivable. Et elle l’est, elle doit l’être, forcément. On n’est pas fait pour vivre avec ça dans le corps. Alors, on parle, on fabrique sa solitude pour la fuir.
  La solitude pour moi, c’est attaquer la douleur, la voir, l’ausculter, la prendre de front et la faire plier jusqu’à ce qu’elle disparaisse et elle disparaît. Elle disparaît précisément parce que cette douleur, ce n’est pas moi, que rien en moi ne la relaie ni ne lui donne raison, qu’elle m’est et qu’elle doit me rester étrangère, intruse, importune. Et la solitude des autres, ce dont elle est criante et désespérée, c’est ceux qui ne savent pas quoi en faire, qui la flattent ou qui la fuient, parce qu’ils pensent quand même que leur solitude et cette douleur, c’est eux, qu’ils sont ça et qu’il n’y a rien à faire à part attendre la mort pour que ça s’arrête.

Publié dans moods

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M
pour ne pas vivre seul, on vit avec un chien, on vit avec une ombre, on vit avec...un blog!
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J
Je ne suis pas bien sûr que tous les blogueurs monologuent, certains dialoguent aussi. Je ne suis pas bien sûr que les visiteurs de blogs lisent des posts pour mieux revenir à eux-même, certains sympathisent vraiment. Je ne suis pas bien sûr que les affres de la solitude, la vraie, nous forcent tous à nous exhiber sur le Web, certains ne font que jouer, passer du temps. Je suis à peu près certain cependant que parfois, oui, des personnes bloguent dans la torture de l'isolement et qu'en plus ils sont mal lus.
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C
eh bien je ne me reconnais pas dans ce texte...<br /> je t'entrevois, toi, mais à peine.<br /> je ne crois pas à la douleur de vivre, ni même<br /> à la solitude...<br /> pas comme ça, non, vraiment pas.<br /> ça, ce sont des mots déspérés qui expriment<br /> de l'angoisse. pas de la douleur.<br /> la solitude... c'est étrange, en même temps les autres prennent tant de place dans nos vie. souvent trop. je ne sais pas....<br /> bisous
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M
C'est terrible, je crois que je ne savais pas quoi dire à propos de ce post alors je me suis dit que je ne dirais rien et je viens de me rendre compte à quel point tu as raison...je te laissais dans cette solitude!
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