Essai #22 bis : moi

Publié le par claude pérès

  Je n’ai pas parlé de la solitude dans le texte précédent, ni des blogs, on s’en fout de la solitude et des blogs, non mais alors vraiment on s’en fout. Ce n’est pas du tout ça que je dis, même si qu’on n’écoute pas ce que je dis ne donne pas tort à ce que je dis dans le texte précédent.
  Je dis que la douleur, l’angoisse, la peur, le deuil, le traumatisme, appelez ça comme vous voulez, on s’en fout, comment on l’appelle, ça n’a aucune importance, le poids qu’on a, qui coupe la respiration, qui fait croire ne plus pouvoir vivre, ne pas tenir, ne plus avoir la force, je dis que ça, cette chose sans nom, quand on l’affronte, ça passe, je dis qu’il n’y a pas à fuir, à parler, à faire du bruit, à s’agiter, à se battre, qu’il n’y a rien à faire, que s’arrêter, se laisser rattraper, écouter ça, le voir, l’ausculter, ça le fait disparaître.
  Je dis qu’il n’y a pas à avoir peur, que c’est facile, qu’on est assez fort, qu’il n’y a rien qu’on ne puisse surmonter.
  Je dis que la confiance, c’est ça.
  Je dis que l’humilité, c’est ça.
  Je dis que l’amour, ce n’est que ça.
  Je dis que vivre, c’est ça aussi.
  Je dis que le moment où ça, qui n’a pas de nom, part, c’est innommable à quel point c’est bon.
  Je dis aussi que tant qu’on ne s’arrête pas pour faire arrêter ça, on ne vit pas, on ne sait pas ce que c’est vivre, on n’aime pas et on n’est personne, parce qu’on vit n’importe quoi, qu’on aime n’importe comment et qu’on est n’importe qui. Parce qu’on fuit, c’est-à-dire qu’on fuit de partout. Parce qu’on est trop encombré avec ça, qui n’a pas de nom. Parce que, c’est évident, quand ça s’est arrêté, quand on sait qu’on n’est ni cette douleur sans nom, ni la fuite de cette douleur, que personne ne peut être ça, que personne n’est condamné à ça, qu’une vie, ce n’est pas ça, non, vraiment pas.
  Je dis que des gens qui portent leur douleur sans nom, qui sont résignés à leur douleur, qui croient que c’est ça vivre, il y en a partout. Je dis que la plupart de ces gens ont tort, que c’est malheureux, mais qu’ils peuvent faire autrement, que ça fait peur, atrocement même, je sais, mais que c’est facile, qu’il n’y a qu’à, qu’il n’y a qu’à voir que la vie, ce n’est pas ça, que ça ne peut pas être ça et que, quand même, c’est évident.
  Je dis aussi que des douleurs, des traumatismes et des deuils, on ne devrait pas en traverser du tout, que ça ne donne pas envie de vivre, tellement c’est âpre, tellement c’est inhumain, et que parce que c’est âpre et inhumain, on mérite de vivre autre chose, de vivre tout sauf ça, de ne pas faire durer la douleur indéfiniment, de ne pas la laisser se répandre et gagner tout dans sa vie.
  Je dis que des gens qui donnent raison à leur douleur, qui font plier leur vie à leur douleur, qu’ils la fuient ou qu’ils y plongent, j’en ai connu, j’en connais. Je leur redis que l’amour, la vie, c’est le contraire de ça, qu’il n’y a qu’à avoir confiance. Je sais que c’est facile à dire, mais c’est aussi facile à faire, vraiment. Je le dis avec toute ma confiance et tout mon amour.
  Je ne parle ni de la solitude, ni des blogs, je parle de moi. Je dis que moi j’aime être seul, que ça ne fait pas de moi quelqu’un d’isolé, parce que je suis bien entouré, vraiment, que c’est incroyable même à quel point, mais que j’aime être seul et je dis que quand j’ai été en deuil, en deuil de quelqu’un qui est mort, puis ces derniers mois en deuil d’un amour qui est mort, cette solitude, que j’aimais tant, je ne l’ai pas supportée, et je ne l’ai pas supportée parce que j’avais mal et que cette douleur-là, quand j’étais seul, je ne pouvais pas ne pas la voir. Je dis que j’ai cru que je ne m’en remettrai pas, que cette douleur était plus forte que moi, que je ne pouvais pas. Je dis que j’ai failli la fuir cette douleur, tellement je n’étais pas fait pour ça, tellement je méritais mieux. Et je dis que je l’ai laissée me rattraper, cette douleur et que ça ne m’a pas tué. Je dis qu’un jour ça me tuera, que ça a déjà failli, c’est-à-dire que j’ai failli, et que c’est normal de faillir, vu la violence que c’est, mais que là, non, là, je dis que j’ai retrouvé la paix, que c’est possible, même si ça doit forcément être précaire. 
  Voilà, c’est ça que j’ai dit, que je dis, que je redis, et que je redirai encore.

Publié dans moods

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P
Ah ben, çà fait toujours plaisir de trouver quelqu'un qui a compris l'truc!<br /> ouaip: faut le dire, le redire et le redire encore... Quoique! Je me demande? Peut-être qu'il suffit de le vivre, après tout...
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D
Merci pour ton commentaire, ça m'a vraiment touché d'autant plus que je te lis depuis 3 semaines sans jamais intervenir par crainte de faire "Plouf" et d'être un peu à coté de la plaque comme là maintenant! <br />
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M
CIORAN lui il dit qu'on est une civilisation du culte de la souffrance, que même c'est comme cela que l'on se prouve son existence, l'existence de Jésus, par exemple, que sa souffrance seule permet de rendre vivant. Je souffre donc je suis, disait N.
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C
ahahah .... ça marche :)<br /> je t'aime.
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